Rabbi Yossef Karo zatsal : le dernier des Richonim
Rabbi Yossef ben Ephraïm Karo zatsal (1488-1575), connu aussi sous le nom de Maran Bet Yossef, est l'un des plus grands décisionnaires halakhiques de l'histoire juive, si ce n’est Le plus grand. Véritable phare de la sagesse juive, il a su transformer les épreuves de l'exil en une œuvre essentielle qui guide encore aujourd'hui les pas du peuple juif. Son ouvrage monumental, le Choul'han Aroukh, fruit d'une érudition sans pareille et d'une sensibilité spirituelle profonde, demeure le pilier central de la Halakha, unifiant les pratiques juives à travers le monde et les générations. Plus qu'un simple possek, Rabbi Yossef Karo incarne la résilience et la créativité du judaïsme face aux épreuves et à l'adversité, ayant su forger, en dépit de tous les obstacles, une synthèse magistrale de la Torah qui continue d'éclairer la vie juive cinq siècles après son élaboration.
La jeunesse marquée par les exils de Rabbi Yossef Karo
Rabbi Yossef Karo naquit à Tolède, en Espagne, dans une période troublée pour les communautés juives. À peine quatre ans après sa naissance, en 1492, les Rois Catholiques Ferdinand et Isabelle promulguèrent le décret de l'Alhambra, ordonnant aux Juifs d'Espagne de se convertir au christianisme ou de quitter le pays. Cette décision entraîna l'exil massif des Juifs séfarades, dont la famille Karo. Fuyant l'Espagne, les Karo s'installèrent brièvement au Portugal. Cependant, en 1497, le roi Manuel Iᵉʳ imposa lui aussi l'expulsion des Juifs de son royaume. Ces événements tragiques contraignirent la famille à chercher refuge dans d'autres terres. Après un passage en Égypte ottomane, où Rabbi Ephraïm Karo, père de Yossef, décéda prématurément, la famille s'établit à Nicopolis (Bulgarie), alors province de l'Empire ottoman. Là-bas, le jeune Yossef fut pris en charge par son oncle paternel, Rabbi Its'hak Karo, un érudit talmudiste renommé.
Sous sa tutelle, il développa un amour inébranlable pour l'étude de la Torah et du Talmud. Très tôt reconnu pour ses capacités intellectuelles exceptionnelles, il poursuivit sa formation dans plusieurs yéchivot majeures du monde séfarade. Entre 1520 et 1522, il résida à Andrinople (aujourd'hui Edirne), dans la partie européenne de la Turquie actuelle. C'est là qu'il entama la rédaction du Bet Yossef, un commentaire monumental sur le Arbaa Tourim (Les Quatre Colonnes) de Rabbi Yaakov ben Acher. Cet ouvrage allait devenir une pierre angulaire de son œuvre halakhique.
Durant cette période, il fut également influencé par les enseignements mystiques du Maharitats, le grand mekoubal Rabbi Yossef Taïtazak, qui dirigeait des cercles kabbalistiques à Salonique et Andrinople. Cette immersion dans la pensée mystique marqua durablement Rabbi Yossef Karo. Plus tard dans sa vie, il rapporta avoir été guidé par un maguid (un inspirateur divin) qui lui prodiguait des conseils spirituels et renforçait sa mission halakhique.
Rabbi Yossef Karo à Safed
En 1535, après avoir transité par Salonique et Istanbul, Rabbi Yossef Karo s'installa définitivement à Safed (Tsfat), en Galilée ottomane. Cette ville était alors en plein essor spirituel et intellectuel. De nombreux érudits et kabbalistes y avaient élu domicile, transformant Safed en un véritable centre mondial du judaïsme et notamment de la Kabbale. Rabbi Yossef Karo devint vite une figure centrale de la communauté juive. Il reçut l'ordination rabbinique (semi’ha) des mains de son Maître, le Mahari Berab, en 1538. La semi'ha (ordination rabbinique) avait été interrompue depuis la destruction du Temple. Au 16ᵉ siècle, le Rabbin Yaakov Berab, Rav de Safed, a tenté de la restaurer, cherchant à reconstituer la chaîne de transmission traditionnelle remontant à Moïse. Son objectif était de recréer un Sanhédrin (tribunal rabbinique complet). Malgré l'opposition de certains Rabbins, notamment David ibn Abi Zimra, Rabbi Yossef Karo fut l'un des premiers ordonnés dans ce processus. Bien que l'initiative n'ait pas totalement abouti, elle symbolisait l'espoir de continuité spirituelle après les persécutions médiévales.
L’influence de Rabbi Yossef Karo
En 1546, Rabbi Yossef Karo succéda à Rabbi Yaakov Berab à la tête de sa yéchiva prestigieuse, où étudiaient plus de deux cents élèves, et devint ainsi l'un des Maîtres les plus influents de son époque. Il présida, aux côtés de Rabbi Moché de Trani (le Mabit), au tribunal rabbinique de Safed, qui devint alors l'instance halakhique suprême non seulement pour la Galilée ottomane, mais pour l'ensemble du monde juif. Les décisions et clarifications halakhiques de Rabbi Karo étaient sollicitées par des sages de toute la diaspora, consolidant ainsi son statut de guide incontesté de sa génération. Parmi ses disciples, on comptait des érudits qui allaient eux-mêmes marquer l'histoire du judaïsme, tels que Rabbi Moché Cordovero, dit le Ramaq, Rabbi Chlomo Halevi Alkabets, poète et kabbaliste, auteur du célèbre hymne "Lekha Dodi", Rabbi Moché Alchikh et le Ari Hakadoch, Rabbi Its’hak Louria.
Et l'influence de Rabbi Yossef Karo s'étendait bien au-delà de Safed. Des sages éminents, tels que Rabbi David ibn Abi Zimra et Rabbi Yaakov Castro d'Égypte, venaient le consulter. Ces échanges avec les plus grands esprits de la Torah de son temps contribuèrent à enrichir sa pensée et à faire de Safed un véritable carrefour de la pensée juive au XVIe siècle. Rabbi Karo n'était pas seulement un halakhiste de renom, mais aussi un kabbaliste respecté. Tous les soirs, il participait à des sessions d'étude nocturnes avec d'autres grands mystiques de Safed. C'est dans ce cadre que Rabbi Yossef acheva son Bet Yossef, après plus de vingt années de travail acharné. Cet ouvrage monumental analyse chaque loi juive mentionnée dans le Arbaa Tourim, en retraçant ses sources talmudiques et en discutant les opinions divergentes des Richonim (les premiers décisionnaires médiévaux). Plus qu'un simple commentaire, le Bet Yossef est une synthèse exhaustive qui établit les conclusions halakhiques selon une méthodologie rigoureuse.
En parallèle, il entreprit la rédaction du Choul'han Aroukh ("La Table dressée"), conçu initialement comme un résumé pratique du Bet Yossef. Publié pour la première fois vers 1565 après quarante années d'efforts ininterrompus, cet ouvrage devint rapidement une référence incontournable en matière de Halakha, pour toutes les communautés juives.
Le Choul'han Aroukh : un code universel
Le Choul'han Aroukh suit la structure du Arbaa Tourim et couvre quatre grandes sections:
- Ora'h 'Hayim : lois relatives aux prières quotidiennes, au Chabbat et aux fêtes
- Yoréh Dé'ah : lois sur les interdits alimentaires (cacheroute), les vœux et autres sujets divers
- Even HaEzer : lois concernant le mariage et le divorce
- 'Hochen Michpat : lois civiles et commerciales.
Bien que rédigé principalement pour les communautés séfarades, le Choul'han Aroukh fut complété par Rabbi Moïse Isserles (le Rama) pour inclure les coutumes ashkénazes sous forme de gloses appelées "Mappah" ("la nappe"). Cette collaboration posthume permit au code d'être adopté universellement par les deux grandes traditions juives.
Outre ces deux œuvres majeures (Bet Yossef et Choul'han Aroukh), Rabbi Yossef Karo a laissé plusieurs autres écrits importants :
- Avqat Ro’hel : un recueil de responsa traitant des questions halakhiques complexes.
- Kessef Michnei : un commentaire détaillé sur le Michnei Torah de Maïmonide (Rambam), clarifiant certaines ambiguïtés laissées par ce dernier.
Ces œuvres témoignent non seulement de sa maîtrise encyclopédique des textes juifs, mais aussi de sa capacité à rendre accessibles à tous, des concepts complexes.
La vie personnelle de Rabbi Yossef Karo : épreuves et joies
Rabbi Yossef Karo, à l’instar de nombreux Tsadikim frappés par le malheur, connut lui aussi une vie personnelle marquée par des épreuves.
Il se maria une première fois à la fille de Rabbi Isaac Saba, un grand talmudiste. Mais cette union fut de courte durée, son épouse décédant prématurément. Après ce deuil, il épousa en secondes noces la fille de Rabbi ‘Haim Albag. De cette union naquirent plusieurs enfants, dont trois périrent tragiquement lors d'une épidémie à Salonique en 1535. Mais sa deuxième épouse, elle aussi, décéda quelques années plus tard, lui laissant un fils, Chlomo, alors que Rabbi Karo achevait la rédaction du Choul'han Aroukh. Malgré ces tragédies, la vie réservait encore des surprises à Rabbi Karo, et il se maria une troisième fois, à un âge avancé, avec la fille d'un sage renommé de Jérusalem, Rav Ze’haria Bar Chlomo Zivssil Ashkenazi. À l'âge remarquable de 82 ans, Rabbi Karo connut à nouveau les joies de la paternité avec la naissance d'un autre fils, Yéhouda. Ce dernier enfant fut une source de grande joie pour le vénérable Rabbi Yossef.
En 1570, alors âgé de plus de 80 ans, Rabbi Yossef Karo arrangea les fiançailles de son fils aîné Chlomo, alors âgé de 15 ans. Le choix de la fiancée fut significatif : il s'agissait de la fille d'un jeune prodige de la Torah récemment arrivé d'Égypte, qui n'était autre que Rabbi Its’hak Louria, le célèbre Ari zal.
Cette union entre les familles Karo et Louria symbolisait la rencontre entre la Torah révélée, incarnée par Rabbi Yossef Karo, et la Torah mystique, représentée par l'Ari zal. Elle illustrait ainsi la synthèse unique qui caractérisait la communauté de Safed à cette époque.
Une œuvre guidée par l'esprit divin
C’est Rabbi Chlomo Alkabetz qui a témoigné des révélations divines que Rabbi Yossef Karo recevait, à travers les enseignements d'un "Maguid", qui lui transmettait des connaissances kabbalistiques et l'exhortait à se purifier spirituellement. Rabbi ‘Haïm Vital zt’l explique que ces visitations sont une forme d'inspiration divine (Roua’h Hakodech). Le Maguid s'identifiait parfois à la Michna elle-même, et la Torah orale s'exprimait à travers Rabbi Yossef Karo. Parmi les promesses faites par le Maguid, celle de s'installer en Terre d'Israël s'est réalisée. Les enseignements du Maguid ont été consignés dans l'ouvrage "Maggid Meicharim", bien que seule une petite partie ait été publiée.
L'héritage de Rabbi Yossef Karo
La postérité le reconnaîtra sous deux appellations pleines de sens : Maran Bet Yossef (« Notre Maître, l'auteur du Bet Yossef ») et haMe’haber (« Le Compilateur »). Rabbi Yossef Karo, ce Tsadik doué du Roua’h Hakodech occupe une place unique dans l'histoire du judaïsme, marquant la transition entre deux grandes périodes de la pensée rabbinique. Considéré comme le dernier des Richonim - ces grands maîtres de Talmud qui, du 11ᵉ au 16ᵉ siècle, ont développé la halakha - il devient simultanément le premier des A’haronim, les commentateurs qui lui succéderont.
Son œuvre monumentale, le Choul'han Aroukh, dépasse largement le cadre d'un simple recueil de Halakha. Près de cinq siècles après sa publication, il demeure la référence principale en matière de loi juive. Sa systématisation et sa clarté ont permis de standardiser les pratiques religieuses à travers le monde, tout en préservant les nuances des différentes traditions communautaires. Il a eu l'honneur d'être le premier à recevoir l'ordination rabbinique du grand sage rav Yaacov Berab lors du moment historique du renouvellement de la semi’ha (ordination). Certains ont même considéré qu'il était le "Mara deAra", c'est-à-dire le Rabbin de la Terre d'Israël, et que tous les habitants du pays devaient se soumettre à ses décisions.
Lorsqu'il s'éteint à Safed en 1575 à l'âge de 87 ans, Rabbi Yossef Karo laisse derrière lui un héritage éternel. Sa disparition marque non seulement la fin d'une époque, mais ouvre une nouvelle ère pour le judaïsme mondial, une ère qui dure toujours…
Puisse le mérite de Marane Rabbi Yossef Karo continuer à guider et à protéger le peuple d’Israël et le bénir.
Tsidkat-Eliaou marquera ce jour par une journée d’étude au Kollel Chaaré Nissim situé dans la synagogue Baba Salé - Chaaré Nissim de Jérusalem.
À l'occasion de la Hiloula de ce grand Tsadik, Tsidkat-Eliaou vous invite à allumer une veilleuse, à sa sainte mémoire, à lire quelques psaumes de Téhilim (si possible ) et à prier pour le Am Israël !
Puis, récitez la formule ci-après :
Zékhouto taguen alénou véal kol Israël, Amen.
Le Tsadik priera pour vous.
Vous pouvez également associer vos prières à la noble et grande mitsva de la Tsédaka et nos Rabbanim vous bénirons dans la synagogue Baba Salé - Chaaré Nissim de Jérusalem.
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Prochaines dates de la Hiloula de Rabbi Yossef Karo zatsal
2025 ► 11 avril
2026 ►31 mars

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Paru au Journal Officiel du 01/1990
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