ROCH HACHANA – LE MESSAGE DU GRAND-RABBIN JONATHAN SACKS Zatsal
Jonathan Sacks Zatsal (1948-2020) a été Grand-Rabbin du Royaume-Uni où
il fut l'une des personnalités les plus admirées pour son immense intelligence et
sa culture. Ses ouvrages ont été des best-sellers et son toujours lus par de nombreux lecteurs. Il fut probablement l’esprit authentiquement juif le plus
fertile de notre époque. Nous vous livrons, ci-dessous, l'un de ses derniers messages écrits à l'occasion de Roch Hachana et traduit en français.
« Il y a des banques et des comptables pour nous indiquer comment investir notre argent. Le judaïsme lui nous indique comment investir notre temps. Selon le Rambam, Maïmonide, c’est précisément ce en quoi consiste Roch Hachana. Le shofar, dit-il, est la sonnette d’alarme de D-ieu. Sans elle, nous pouvons cheminer dans la vie, tels des somnambules, en gaspillant du temps pour des choses urgentes mais pas importantes, ou qui promettent le bonheur mais ne l’apportent pas.
« Roch Hachana et Yom Kippour sont des fêtes qui nous interrogent sur la façon dont nous avons vécu jusqu'à présent. Sommes-nous à la dérive ? Avons-nous voyagé vers la mauvaise destination ? La façon dont nous vivons est-elle porteuse d’une raison d’être, de sens et d’accomplissement ? Le judaïsme est le système de navigation par satellite de l'âme, et Roch Hachana est le jour où nous nous prenons une pause pour voir si nous devons changer de direction.
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« Le temps est court. Ici, sur terre, nous n'avons qu’une existence à vivre; et contrairement à l'argent, le temps perdu ne peut jamais être retrouvé. Le judaïsme est le système de gestion du temps le plus ancien et le plus sophistiqué au monde.
« Voici quelques principes qui ont changé ma vie et que j’ai appris de notre foi, dans l’espoir qu’ils pourront vous aider à réfléchir à l’année écoulée et à celle qui vient à nous :
« (1) Soyez reconnaissants. En priant, nous rendons grâce à
D-ieu pour tout ce que nous possédons et pour la vie elle-même. Cela peut
sembler simpliste, mais cela change la vie. Cela nous fait prendre conscience
de ce que nous pourrions autrement tenir pour acquis. Cela nous aide à percevoir
que nous sommes entourés de bénédictions. Nous sommes là, nous sommes libres,
nous avons de la famille, nous avons des amis, nous avons des opportunités que
nos parents n’avaient pas et que nos grands-parents ne pouvaient pas même
imaginer. Certes, nous avons des problèmes, des peurs, des douleurs; mais ils
peuvent attendre que nous ayons fini de remercier; et une fois que nous avons
dit notre gratitude, nos problèmes apparaissent un peu un peu moins importants
et nous nous sentons un peu plus forts. Il existe des preuves médicales que les
personnes qui ont une attitude de gratitude vivent plus longtemps et
développent des immunités plus fortes contre la maladie. Quoi qu’il en soit,
l’évidence psychologique est incontestable : manifester de la reconnaissance
apporte du bonheur même dans les moments difficiles.
« (2) Donnez à vos enfants des valeurs, pas des cadeaux. Le
plaisir de recevoir des cadeaux dure une journée, tandis que les valeurs
apportent le bonheur pour la vie. Donnez à vos enfants des valeurs
matérialistes et vous gâcherez leur vie entière; cela ne vous vaudra pas même
de leur part de la reconnaissance dans l’avenir. Donnez-leur des idéaux,
apprenez-leur à aimer, à respecter, à admirer, enseigner leur à prendre des
responsabilités et à donner aux autres. Aidez-les à rester au foyer au sein
d’une vie juive et faites qu’ils vous procurent de la fierté juive, qu’ils
grandissent en acquérant une stature et marchent avec assurance, fiers de ce
qu'ils sont, et reconnaissants pour ce que vous les avez aidés à devenir.
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« (4) Ne compromettez jamais votre judaïsme en public. Si
vous voulez que vos enfants restent juifs, soyez cohérents. Ne maintenez pas la
Kacherout à la maison, sans en faire autant à l’extérieur. Ne célébrez pas un
événement heureux à la synagogue en ayant une occupation questionnable
ailleurs. Cela envoie aux enfants un message mitigé et les enfants répondent à
des messages contradictoires en concluant que si vous n’êtes pas très sérieux
dans votre judaïsme, eux-mêmes n’ont pas de raison de l’être. La cohérence
n’est pas circonscrite à la famille, mais s’étend bien au-delà. Les non-juifs
respectent les Juifs qui respectent le judaïsme. Les non-juifs sont gênés par
les Juifs que leur judaïsme gêne. Ceux qui font des sacrifices pour leur foi
parviennent généralement à transmettre cet esprit à leurs enfants; c’est
rarement le cas pour ceux qui ne le font pas.
« (5) Pardonnez. L'énergie émotionnelle est trop précieuse pour être perdue en émotions négatives. Le ressentiment, les griefs et la haine n'ont aucune place dans la vie intérieure d'un Juif. Au chapitre 19 du Lévitique, la Torah dit : « Ne déteste pas ton frère (ou ta sœur) dans ton cœur ». Ne vous vengez pas. Ne nourrissez pas de rancune. Ceux qui pardonnent parcourent la vie plus sereinement, affranchis du fardeau des sentiments qui ne font de bien à personne.
« (6) Ne vous livrez pas à la médisance (lashon Hara). Les
Sages du Talmud qualifient le lashon hara de « discours maléfique », qui consiste
à proférer des paroles négatives sur les autres, même quand elles rapportent la
vérité. Ils ont été particulièrement sévères à ce sujet, le considérant comme
l'une des pires fautes que l’on puisse commettre à l’égard d’autrui. Ceux qui
médisent de leurs semblables empoisonnent l'atmosphère des familles et des
communautés. Ils sapent les relations et sont la cause de beaucoup de ravages.
Ils arguent : « Mais c'est vrai », oubliant que le lashon hara caractérise
justement ce qui est vrai. S’il s’agit d’une fausse allégation, elle constitue
ce qui s’appelle « motsi shém ra » (la calomnie) et constitue un autre type de
péché. Ils arguent encore : « Après tout, ce ne sont que des mots », oubliant
que pour le judaïsme, les mots sont sacrés, et ne doivent jamais être pris à la
légère. Voyez le bien chez les gens – et si vous voyez le mal, gardez le
silence. Nulle personne valorisant le respect ne respectera ceux qui médisent
des autres.
« (7) Observez le Chabbat. Si le Chabbat n'avait pas été
créé, la personne qui l’aurait découvert et commercialisé aurait fait fortune.
Voici un jour de vacances miraculeuses qui a le pouvoir d’affermir un mariage,
de valoriser la famille, de donner le sentiment de faire partie d’une
communauté, de vous réjouir de ce que vous possédez plutôt que de vous
préoccuper de ce que vous ne possédez pas encore, de vous affranchir de la
tyrannie des smartphones, des textos, de la disponibilité 24 h par jour, 7 jours par semaine, qui réduisent le stress, bannissent les pressions du travail
et du consumérisme et renouvellent votre appétit pour la vie. Il est fourni
avec du vin, de la bonne nourriture, de belles paroles, de jolis chants et de
beaux rituels. Vous n'avez pas besoin d'attraper un avion ou de réserver à
l'avance. C’est un don que D-ieu a fait à travers Moïse, et depuis plus de 3 000
ans, c’est pour le judaïsme l’île privée du bonheur. Y parvenir ne nécessite
que la maîtrise de soi, la capacité de dire « non » au travail, au shopping,
aux voitures, aux téléviseurs et aux téléphones. Mais de fait, tout ce qui vaut
d’être obtenu requiert du self-control.
« (8) Faites du bénévolat. Donnez de votre temps aux autres.
Il n'y a pas de meilleur remède à la dépression que celui d'apporter du bonheur
dans la vie des autres. Visitez les malades. Invitez une personne seule à votre
repas de Chabbat ou de Yom Tov. Partagez vos compétences avec une personne qui
doit les acquérir. Rejoignez l'une des nombreuses organisations remarquables de
notre communauté. L’hébreu a un beau mot pour désigner de tels actes : «
’hessed », qui signifie l’amour comme acte, l’amour comme bonté. Le grand
psychiatre juif Viktor Frankl avait coutume de dire : « La porte du bonheur
s'ouvre vers l'extérieur », ce qui signifie que le sentiment de faiblesse vient
souvent du fait de se sentir seul. Apportez le cadeau de votre présence à
quelqu'un d'autre et vous ne vous sentirez plus seul.
« (9) Créez des moments de joie. Cela peut être aussi simple
que marcher un jour de printemps ou regarder sur Internet une vidéo d'une
vieille chanson qui rappelle des
souvenirs chaleureux, ou faire un compliment imprévu à quelqu'un, ou offrir à
quelqu'un un cadeau impromptu. Le judaïsme fait une place au "bonheur",
(osher ashrei), mais l'émotion capitale dans la Torah et dans le Livre des
Psaumes est la "sim’ha", ("joie"). « Servez D-ieu dans la joie » dit un
Psaume. Le bonheur dépend souvent de circonstances extérieures, mais vous
pouvez éprouver de la joie même dans les moments difficiles. Comme le soleil
qui perce les nuages, la joie libère l’esprit et brise l’emprise de la
tristesse. Laissez-vous, selon les mots de William Wordsworth, être « surpris
par la joie ». La joie, c’est ouvrir votre âme au rayonnement de la vie, c’est
refuser que l’âge et le temps émoussent votre sens de l’émerveillement.
« (10) Aimez. Le judaïsme a été la première et demeure encore la plus grande religion d’amour. Aimez D-ieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces. Aimez votre voisin comme vous-même. Aimez l'étranger, car vous étiez autrefois étrangers. L'amour est l'alchimie qui transforme la vie de métal brut en or; il inscrit dans nos jours le rayonnement de la Ché’hina, la présence divine. Le vrai bonheur, que ce soit dans le mariage ou la parentalité, l'amitié ou la carrière, est toujours le produit de l'amour. Là où l’amour se trouve, D-ieu se trouve également, car lorsque nous aimons les autres, l’amour de D-ieu investit notre personne. Pour vivre, il faut apprendre à aimer.
« Accomplissez l'une de ces choses et lentement, petit à
petit, vous commencerez à remarquer un changement dans votre vie. Vous serez
moins pressurés, moins anxieux, moins pressés et moins stressés. Vous
constaterez que vous avez du temps pour les choses importantes mais pas
urgentes, celles que vous négligez le plus actuellement. Il en résultera plus
de satisfaction, d’accomplissement, de joie. Vos relations seront meilleures,
surtout au foyer. Les gens vous respecteront davantage. Vous vous sentirez
béni. Cela peut ou non ajouter des années à votre vie, mais cela ajoutera
certainement de la vie à vos années. Vous prendrez alors toute la mesure de ce
qui doit être écrit dans le Livre de vie de D-ieu.
Je vous souhaite, à vous et à vos familles, une Chana tova ou’métouka. Que cette année soit une année heureuse et bénie pour nous tous. »
Rav Jonathan Sacks zatsal
ROCH HACHANA 5783
Pour que chaque juif, à Jérusalem, puisse commencer l’année 5783 dans la joie et la douceur en accomplissant les mitsvot de Roch Hachana !
Pour cette nouvelle année 5783, toute l’équipe de l’association Tsidkat Eliaou vous souhaite Chana Tova Oumétouka ! Gmar Hatima Tova ! Puisse l'Éternel vous inscrire dans le livre de la vie, et vous octroyer bonheur, prospérité, santé, et réussite dans tous les domaines. Amen !